Il paraît que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Soit. Chaque sortie de course, chaque entraînement, chaque séance de yoga contribue ainsi à donner vie à cette expression. Fort physiquement, certes, mais aussi fort psychologiquement. J’excelle en angoisse de performance. Et vous? Vous arrive-t-il d’entendre la même petite voix que la mienne? Vous savez, celle qui vous dit de ne pas essayer, celle qui vous dit que vous êtes trop vieille pour ce genre d’acrobaties, celle qui affirme que vous vous planterez certainement très élégamment, mais que ça n’empêchera pas personne de rire de vous… J’aime bien la faire taire cette petite voix. J’y arrive assez régulièrement. Mais pourtant, elle refait surface fréquemment, chaque fois souvent au grand galop…

J’avais si peur… Encore… Comme souvent. Ok, pas une peur viscérale comme celle qui me scie littéralement les deux jambes lorsque je suis en face de l’eau. Je parle plutôt de celle qui me taraude le derrière du cerveau, qui se joue de ma naïveté et de ma confiance personnelle sportive à zéro. Celle qui joue l’hypocrite, qui me joue du violon dans la tête, celle qui me joue de la musique comme dans les films de Jaws, l’air de dire: « Y s’en vient le gros requin, grouille pis manque pas ton coup… Parce que tu pourrais te faire manger… » J’aime détester cette voix, parce que celle est qui me permet d’être la plus fière de mes accomplissements.

Un pneu. Pas un pneu ordinaire. Un gros pneu. De tracteur… Peut-être même celui d’un John Deere (tout le monde sait que ceux-là sont tellement plus gros…!). Sur le programme, déjà de lire que je devais flipper ce moyen monstre (parce qu’il y en a un beaucoup plus gros) me faisais moi aussi flipper. Flipper comme dans retourner le pneu, lui faire faire un tour sur lui-même, lui faire mordre la poussière à cette roue, aussi grande que moi. Le faire une fois me semblait déjà la fin du monde. Je devais la faire tournoyer, danser littéralement avec elle (agrippe la bien, colle-la sur toi et fais-lui faire la tourniquette! C’est quoi ça si ce ne sont pas des pas de danse!) pas moins de 16 fois, le tout réparti en quatre séries de quatre. « Si c’est trop Val, on va le descendre à trois fois ». Me semble, oui, que je vais te laisser diminuer mon programme. Guillaume écrit seize, tu endosses et approuves le programme, je VAIS le flipper seize fois!

J’angoisse donc juste en entrant dans le gym. Je veux TELLEMENT y arriver, mais j’ai si peur de ne pas être assez forte (physiquement ou mentalement Val?). Coach est là, il sourit. Comme chaque fois que j’ai peur. Je le vois dans ses yeux qu’il y croit, que je peux réussir. J’aimerais éprouver la même confiance. Parce qu’en ce moment, j’ai l’assurance d’un écureuil devant un ours… Parfois il se passe comme de la magie. Coach et moi sommes seuls dans le gym. Personne pour me regarder, personne pour me voir échouer (pourquoi suis-je incapable de penser, à ce moment précis, que peut-être je pourrais réussir?). Je lui demande donc humblement de m’accompagner, de m’enseigner, de m’aider à réussir (drôle de feeling quand tu sais que le coach, il était assis dans ta classe plusieurs années plus tôt… Comme quoi les rôles peuvent toujours s’inverser!). Dans l’action, c’est drôle, je commence à vouloir y croire. Je m’installe, en petit bonhomme devant le pneu, j’essaie de prendre la meilleure « grip » possible. Je dois soulever le pneu un tout petit peu, pour pouvoir glisser mes mains sous le géant noir. Oh… C’est assez facile sommes toutes. Est-ce que ça veut dire que je serais capable, en fin de compte? Bah! Ce n’est probablement que l’adrénaline qui me fait dire ça. Je dois être, en ce moment, comme ces sauveteurs, ces héros dans les documentaires, ceux qui soulèvent des hélicoptères à mains nues pour sauver les pauvres gens pris sous les décombres d’un accident… Sauf que je n’ai rien ni personne à sauver; à part peut-être mon âme au Diable! Il est là, mon coach, debout, à côté, il ne dit rien. Mais je l’entends penser. Je pense que je l’entends penser. Dans ça tête, ça doit sonner comme: « Arrête de râler, concentre-toi sur ce que tu as à faire et tire! Tu as fait tellement déjà bien pire sans le savoir. Ta peur, elle est confortablement installée entre tes deux oreilles« . Oufff! C’est qu’il y en a des « affaires qui se passent » entre ces deux organes jumelles qui ornent mon crâne!

GO! Tire à la diagonale, place ton genou, pivote les mains, pousse!

« Ben voilà, c’est fait! Qu’est-ce qu’il y avait de si compliqué la-dedans? » Me dicte la voix de l’assurance. Mais dans son sillage, elle entraîne celle du doute qui me lance promptement: « Ben… Ce n’est qu’un seul flip. Il y en a plusieurs encore à faire… ne crie pas victoire trop vite miss! » Ggggrrrrr.

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Coach me plante là, l’air de dire: « T’as tellement pas besoin de moi! » Avant de m’exécuter de nouveau, j’ose j’aboyer presque dans le gym: « Je veux une photo! Il m’effrayait tellement cet engin de caoutchouc! » Fervent admirateur des petites victoires, gentilhomme fixe ladite victoire dans le temps, immortalise le summum de ma réussite personnelle sur ce qui était autrefois convenu d’appeler de la pellicule, aujourd’hui transformée en pixels.

Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort…ce qui ne nous tue pas nous rend plus fière! Victoire psychologique, probablement, bien plus que sportive! Mais la graine était semée. Je croyais désormais en mes jambes, mes bras, mon dos… Tellement que la semaine suivante, je me suis autorisée un dix-septième flip… Question de vérifier, juste pour voir si… Et puis ça a fonctionné! Cette semaine, c’était combien, d’après vous? Et bien autant que le nom du célèbre jeu de basket-ball! Comme quoi l’excessive, celle qui en fait toujours trop dans mon dos, sans m’aviser; celle qui n’en fait qu’à sa tête, se paie ma tête, vire-volte dans ma tête, ça lui arrive de tomber dans le champs du positivisme. Merci l’excessive; parfois, tu me rends réellement fière de moi! Méfiez-vous la prochaine fois qu’on vous offre une roue de tracteur…!

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